

Dans le cadre d’une battle de journalistes, je me suis intéressé à la lutte contre les morts aux travail. J’ai lu des articles, dont un sur Matthieu Lépine, professeur d’histoire géographie qui a écrit un livre sur ce sujet, appelé L’hécatombe invisible. Il essaye de faire un travail de recensement. Donc, pour en savoir plus sur le sujet, je l’ai contacté et lui ai posé cinq questions.
Pourquoi y-a-t-il autant d’accidents du travail en France ?
Il y a d’abord un manque d’information sur les risques, par exemple ceux liés au travail en hauteur. Ensuite, ces risques sont accrus à cause des cadences imposées aux travailleurs, qui sont sources d’erreurs. Il arrive aussi que les entreprises ne respectent pas les règles de sécurité, par exemple le fait que ceux qui travaillent en hauteur doivent être attachés. Enfin, il y a souvent un manque d’encadrement, surtout pour les jeunes qui débutent.
Quels sont les catégories de personnes et les secteurs les plus concernés ?
Les jeunes sont beaucoup concernés. Il y a beaucoup d’accidents mortels dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics (des chutes), dans l’agriculture (accidents avec des machines, notamment les tracteurs), dans l’industrie (machines défectueuses), dans la manutention, le transport routier, dans le bûcheronnage (chute de branches). Il y a aussi beaucoup d’accidents mortels de marins pêcheurs, le risque d’accident mortel pour ce métier est 20 fois plus élevé que dans les autres professions. Un navire a récemment sombré et tous les membres de l’équipage sont morts.
Comment faites-vous pour recenser ces accidents ?
Je fais des recherches à partir de mots clés sur Internet, j’ai aussi des alertes. Mais les chiffres dont je dispose sont sûrement sous-estimés car il n’y a pas d’article en ligne pour chaque accident. J’ai recensé 1400 morts depuis 4 ans, soit 2 à 3 par jour. Je recense les accidents dès qu’ils se sont produits, alors que les chiffres officiels sont rendus publics avec plusieurs années de décalage.
Quelles sont les solutions possibles pour lutter contre les accidents mortels du travail ?
Il faut plus de contrôles par l’inspection du travail. Il n’y a en France qu’un inspecteur du travail pour 10 000 travailleurs ! Il faudrait aussi organiser plus de formations sur la sécurité au travail et prévoir des sanctions plus dures pour les employeurs. Enfin, il faudrait des campagnes de sensibilisation auprès du public, comme il en existe par exemple pour les risques du tabac.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?
Un peu par hasard. Je suis professeur d’histoire-géographie dans un collège, ce qui n’a rien à voir avec ce sujet. Mais un jour j’ai entendu Emmanuel Macron (quand il était encore ministre) dire que « l’entrepreneur est le seul qui peut tout perdre dans une entreprise ». Il pensait sûrement au risque de perdre de l’argent. J’ai voulu faire ce travail de recensement pour montrer que les travailleurs prenaient beaucoup plus de risques que leur patron, même s’il arrive que des entrepreneurs meurent au travail dans certains secteurs.
J’ai commencé à trouver des exemples et j’ai entrepris de recenser les accidents mortels. Mon travail commence à être connu avec mon livre et aussi l’utilisation des réseaux sociaux qui me permettent de diffuser mon travail.
Merci beaucoup à Matthieu Lépine d’avoir accepté de répondre à mes questions.
A.B